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209ème Il régnait dans cet endroit comme une odeur ou un je ne sais quoi d’ancien.
Odeur d’outre-tombe.

La bibliothèque de la mairie est la seule pièce conservée dans son jus après la réquisition de cet hôtel particulier par les révolutionnaires de 1789. L’endroit suranné est splendide. Aujourd’hui, on y célèbre les mariages et on peut la visiter lors des journées du patrimoine.

En pénétrant dans la grande salle, il y a d’abord le craquement des pas sur le parquet Versailles d’origine, talons pointus interdits, la délicatesse est de mise. Puis un parfum de cire d’abeille qui se mélange à l’odeur de vieux papiers imprègne mes narines, les senteurs sont élégantes, inattendues et questionnent mon odorat. J’inhale avec mon nez affuté d’autres effluves plus subtils dont je recherche les sources mystérieuses. Tous les lambris muraux sont garnis de livres rangés sur les étagères par ordre chronologique. Ils sont reliés en cuir plein sinon en maroquin pour des œuvres rares. Il est interdit d’y toucher. J’admire un ouvrage du début du 19 -ème ouvert et protégé par une paroi de verre, c’est un roman d’aventure., humant des fragrances clandestines, je me hausse sur la pointe des pieds et plonge mon nez au-dessus de la protection. Je suis étourdie par un arôme d’amande amère. Etrange, fabuleux car en lisant le résumé de l’œuvre, l’histoire commence par un assassinat au cyanure qui exhale cette odeur d’amande. Une jeune femme s’approche de moi, « avez-vous senti cette odeur d’amande ? Etes-vous écrivaine ? » « J’ai senti l’amande mais je n’écris pas » lui répondis-je. -« Je suis la conservatrice de ce lieu, je vous assure que seuls les écrivains sentent cette bouffée bizarre. » Intriguée je poursuis ma quête, le nez à l’affût. Je remarque des livres mal rangés sur le rayonnage du bas. J’en fait part à la conservatrice, sa réponse est étrange « Ce sont les livres protestataires, ils veulent être lus et se placent ainsi jusqu’à ce que quelqu’un les lise. Ils sont regroupés en syndicat de rebelles. » Je la regarde, ahurie. Elle me chuchote à l’oreille : « Ici ce sont les âmes des auteurs qui édictent les règles » ! Elle est « à l’ouest » mais sympathique. Promis je reviendrai. J’y suis revenue, une année plus tard, la bibliothèque était méconnaissable : Plus de décor d’antan, plus de livres reliés, une salle très moderne aseptisée, murs blancs et verre, avec une multitude de livres modernes. A l’accueil je demande ce qu’il est advenu en ces lieux. « Un drame » me confie l’hôtesse : « un incendie dont l’origine n’a pas été trouvée, tout a brulé, la conservatrice a failli y rester, elle a conservé des séquelles, elle répète à tout bout de champ, « Tous des émeutiers, des gilets jaunes ! » « Elle ne tourne pas rond, est en maison de repos, la pauvre » ! Je me fais passer pour une collègue parisienne, obtiens son adresse. Je compte sur elle pour avoir des informations, j’ai commencé l’écriture de mon livre « une odeur d’amande amère » Zuzanna83