La chaleur inattendue des premiers jours d’été écrase la nature et les hommes. Sur le bord du chemin champêtre, une herbe folle s’assoupit, au milieu des corolles fragiles des coquelicots. Son amour pour l’épi de blé s’est évaporé.
(Leur idylle est racontée dans un précédent épisode). Elle se redresse oscille soudain dans le souffle du Grand Zéphir qui la caresse, fait sa coquette, agite sa chevelure de graines. Zéphir se laisse séduire par cette belle tige chlorophyllée, l’emporte très loin dans son courant d’air. Elle est émerveillée, survole des fleuves sinueux, des forêts touffues, des plaines vertes ou desséchées, des villes illuminées. Effrayée par l’altitude, ébouriffée, elle se love dans le vent qui la transporte.
Arrivés au-dessus des montagnes de Pologne, Zéphir est pris à parti par un vent du Sud remontant vers la Baltique. Un colosse jaloux, chaud, crépusculaire qui lui cherche querelle à cause d’un jeune rameau d’olivier enlevé autrefois. Il demande réparation. Zéphir ne veut pas de confrontation, pas d'orage, il lui lance la belle plante, récupérée par Vent du Sud au souffle âpre et douteux.
L’herbe étouffe, se tortille, se contorsionne et tombe dans le nord du pays à la frontière de la Biélorussie, là où subsiste encore un lambeau de forêt primaire et des bisons. Elle est accueillie par des belles graminées multicolores étonnées par cette herbe bizarre venue du ciel, si verte, si belle avec sa tignasse garnie. Elle est adoptée, cajolée dans cet environnement sauvage et magnifique.
Lorsque le temps sera venu, elle sera récoltée avec ses congénères, toutes sveltes et délicates, et exhalera comme elles cette fragrance unique qui parfume la vodka à l’herbe de bison. (A consommer avec modération). Zuzanna83.