192 -ème proposition. J’ai gagné un week-end et le fascicule de l’agence de tourisme nous signale que la destination est dans un village médiéval, parait-il hanté. Frissons garantis. Racontez-nous ça !
Un étrange Village.
Nous sommes les cinq lauréats d’un concours de nouvelles fantastiques et nous nous retrouvons dans un minibus. La destination, un village médiéval hanté, Sombreval, inconnu et oublié des cartes routières et d’internet, n’effraie personne. Pas de réseau, pas de téléphone. La situation est grisante disent mes compagnons de voyage. « Nous allons être dans le vif du sujet, immergés dans le matériau brut de nos œuvres. » Ils sont farfelus, ils vivent l’aventure de leur vie. Secouée par les cahots d’une route romaine, je me sens intemporelle.
Le crépuscule qui embrase le ciel lorsque nous arrivons au village est d’une beauté démoniaque. Celui-ci, construit sur une colline, apparait à contrejour, sinistre. L’éminent donjon d’un château féodal surplombe l’endroit. Nous grimpons à la queue leu- leu dans des venelles étroites, parmi des maisons vides, pour nous y rendre. Un vent insolent nous pousse. Il murmure et chuchote des mots étouffés. Des chauves-souris nous frôlent. Enfin, il arrête ses manigances devant le pont levis qui s’ouvre à notre arrivée.
Des ombres nous effleurent, je frissonne. Nous pénétrons dans un univers moyenâgeux. Des gens costumés vont et viennent, au milieu d’un brouhaha indescriptible. Une femme muette, en robe de bure, nous conduit par un escalier en colimaçon de pierre usées par les pas, dans des cellules monacales. Un costume m’attend sur une chaise vermoulue. Une chandelle est posée sur un coffre qui grince dès que je l’approche. Le lit est une paillasse de la fenaison passée et son ciel de lit une immense toile d’araignée très collante. J’ouvre une porte dans le mur, des balais malfaisants s’avancent vers moi en soufflant. Je referme à clé, effrayée.
Devant la meurtrière : un coin toilette avec un broc d’eau infestée de têtards, une cuvette et un pot de chambre.
Nous dinons dans une salle à manger monumentale, où règne une cacophonie de foire. Le seigneur des lieux nous remet un livre prophétique d’enluminures et nous félicite. Le repas est pantagruélique. Des pages exécutent un ballet en remplissant les verres toujours vides. Tout est extravagant, insolite. La soupe d’orties a dû être parfumée aux herbettes illicites car j’ai chanté en vieux français avec des ménestrels, discuté de fantômes, de portes interdites menant à des routes de vie parallèles, avec des visiteurs inquisiteurs, excentriques assis par terre dans ma chambre autour de moi.
Le lendemain matin la fête est finie, le silence, le désert, personne, un no man’s land. Juste notre équipe, la tête ailleurs, le livre occulte à la main. Le mini bus nous attend, un chauffeur à la mine patibulaire, au volant, nous ramène à bon port dans notre monde. Zuzanna83