Elle descendit à la cave chercher une bonne bouteille. C’est là qu’elle découvrit son mari dans les bras de la bonne. Les deux scélérats étaient tellement pris dans le feu de leur action qu’ils ne l’avaient pas entendue approcher.
Elle poussa un cri de lapin égorgé, tourna les talons, hurla « tu me le paieras ! » et remonta l’escalier à vive allure en se mettant à sangloter, le tout dans cet ordre. Elle était à la fois prise par la rage et un chagrin profond. Les deux alternèrent sans interruption pendant l’heure qui suivit. Quand la tempête se calma enfin, elle se regarda dans le miroir de la salle de bains où elle s’était réfugiée. Elle y découvrit deux petits yeux bouffis, des joues enflammées traversées par deux sillons noirs et une masse de cheveux ébouriffés, ressemblant à une perruque de clown à la fin d’un spectacle. Elle partit d’un rire nerveux tonitruant, qui lui secoua les tripes et la libéra d’un grand poids.
« Que faire ? » se demanda-t-elle. L’idée lui vint d’aller chercher le fusil de chasse pour en finir avec les deux saligauds, comme elle les nomma, puis elle se ravisa et opta pour une salve de noms d’oiseaux bien corsée. Elle n’était jamais vraiment sortie de ses gonds de sa vie, mais cette situation appelait, exigeait des mesures hors proportions dont la Terre se souviendrait, même après son départ pour les étoiles. Sauf que là, à l’instant T, elle séchait. Aucune inspiration. Le soufflé de sa colère était retombé. Recourir à la violence lui semblait une bien piètre tentation. Alors, dans cet élan de paix intérieure retrouvée, elle décida d’aller se coucher sans dîner, en fermant bien la porte de la chambre à clé. Après tout, « Qui dort dîne » et « La nuit porte conseil », n’est-ce-pas ?
Françoise 83