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219ème :
«Un vieux mensonge a décidé de prendre sa retraite.»

Sur le pas de sa boutique...

Comme chaque jour, dès potron-minet, l’étroite rue est animée par une foule bruyante de camelots, marchands de légumes, bouchers aux viandes grossièrement détaillées et quelque peu odorantes, boulangers, tisserands qui tentent de vendre leurs coupons d’étoffes aux teintes diverses et variées… tout ce petit monde poussant tant bien que mal, en braillant, les carrioles de bois brinquebalantes sur les pavés inégaux et glissants.

Quelques soldats déambulent nonchalamment au milieu de cette cohue, leurs hallebardes négligemment posées sur leurs épaules...
Fréquemment une fenêtre s’ouvre au premier étage des maisons à colombages qui bordent la chaussée, les matrones lançant en direction du caniveau central le contenu de leurs bassines, quel qu’il soit… non sans avoir crié juste une seconde avant « attention là-d’sous !!! »
Un peu plus loin, en culotte bouffante de velours bleu-roi et jaune-d’or, son luth collé à sa chemise de lin blanc à élégantes dentelles, un Roméo roucoule son aubade, tentant de séduire sa belle Juliette qui l’observe d’un air coquin, une fleur à la bouche, depuis le balcon de la luxueuse maison de ses riches parents.
Sur le pas de sa boutique, adossé au chambranle de la porte d’entrée, le barbier attend sans grand espoir le client, qui se fait plutôt rare, malheureusement…
Dans ce petit bourg soumis aux lois et nombreuses fantaisies du Seigneur des lieux, le petit peuple n’a guère le loisir d’aller se faire tailler barbe et tignasse ! Aussi, afin d’arrondir ses fins de mois, le barbier rend un autre service, et pas des moindres : celui d’arracher les dents. Oui mais… vous devinez ce que cela veut dire ! Pour couvrir les horribles cris de ses « patients » qui font l’effort de venir se faire extraire une quenotte chez lui, il compte sur les bruits provenant de la rue.
Eh bien, il en a vraiment marre, notre brave barbier.
Arracheur de dents… non ! Ce n’est pas son truc ! Il sait qu’il ment en permanence… « mais je vous assure que vous ne sentirez rien du tout ! » Il finit par avoir honte de ce qu’il dit et fait subir aux autres.
Au bout du rouleau, il décide que rendre son tablier est la meilleure solution. Il rêve de quitter et vendre cette boutique qui, au fond, ne lui aura jamais apporté aucun plaisir…
Oublier ce vieux mensonge et trouver un petit coin de campagne où prendre sa retraite lui offrira enfin ce qu’il désire le plus : la paix !
KD44 ♫