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J’ai écrit ma première lettre de réclamation à l’âge de 18 ans.
En visite avec mon jeune neveu à l’aquarium de la porte Dorée, je fus choquée de constater que le vieux mérou n’avait aucune possibilité de bouger tant l’espace qui lui était attribué était réduit. Ma colère, communicative, déclencha bruyamment les larmes de l’enfant. 

Il n’en fallu pas plus pour que je prenne la plume et réclame de meilleures conditions de vie pour le mérou au directeur de l’aquarium. Une réponse me parvint quelques semaines plus tard : une simple photocopie décrivant la vie du mérou avec un passage surligné au feutre fluo stipulant que l’animal étant sédentaire, seule la quête de nourriture l’obligeait à quitter son abri. Une manière peu élégante de me faire comprendre qu’il aurait fallu que je me renseigne avant de me plaindre…
Ravie de constater que l’on pouvait adresser un courrier argumenté à une autorité quelconque et que celle-ci pouvait y répondre, j’ai donc naturellement continué à envoyer des billets d’humeurs à tout à chacun, lorsque le besoin s’en faisait sentir. La clé étant, quelque soit le sujet, de rester courtoise. J’ai obtenu ainsi quelques succès : corrections suite à des erreurs administratives, réparations, remises mais aussi, je dois l’avouer, beaucoup de « fins de non recevoir » ou tout simplement pas de réponses du tout.
Il se trouve qu’aujourd’hui, je suis de bonne humeur, c’est donc le jour parfait pour écrire à la MSA (Mutuelle Sociale Agricole) dont j’attends le versement de ma retraite depuis… 5 mois.

"Très chère MSA,
C’est un plaisir de vous écrire cette semaine encore. Je dois vous avouer que vous êtes la seule administration avec laquelle j’ai un lien épistolaire aussi fort. En effet, je n’ai pas eu l’opportunité d’avoir des contacts suivis avec les autres organismes de retraite (Assurance retraite, IRCANTEC ou AGIRC ARRCO) qui ont préféré limiter au maximum toute relation entre nous, en payant les sommes dues sans attendre. Mais avec vous, c’est si différent. Tout d’abord, il y a eu cette petite erreur sur le nombre de trimestres, une broutille, 12 trimestres. Nous avons échangé régulièrement à ce sujet et, au bout de 3 mois, tout est rentré dans l’ordre pour vous permettre d’évaluer le montant généreux de ma retraite. J’ai donc reçu de votre part le fameux formulaire d’acceptation à signer. J’ai beaucoup apprécié le fait que vous ayez oublié d’y inscrire le montant de la retraite complémentaire, permettant ainsi de continuer nos échanges si délicieux pendant 2 mois encore. Je viens de recevoir le formulaire définitif et je constate, vous allez rire, que vous avez mis 2 fois la page 1 et que la page 2, que je dois signer, est manquante. "
Dois-je rire ou dois-je pleurer ? Les mots me manquent pour terminer ce courrier et je ne sais plus quel ton adopter pour qu’enfin, quelqu’un, n’importe qui, fasse son boulot et qu’on en finisse. Essayons ceci :
"Je comprends votre tristesse à l’idée de ne plus me lire et vois bien vos stratagèmes pour repousser l’inexorable moment où nos échanges se termineront mais, très chère MSA, je vous remercie de m’envoyer cette fameuse page 2 dès que possible afin que je puisse enfin toucher la totalité de ma retraite agricole. Soyez rassurée, vous connaissant un peu maintenant, je suis sure que beaucoup d’autres personnes tout aussi motivées que moi vous écriront régulièrement…"

Catherine 06