236 -ème proposition. La grenouille en équilibre sur une feuille de nénuphar, me raconta une drôle d’histoire….
Rana la grenouille.
C’est à moi Belzebuth le lézard, son ami de toujours qu’elle s’est confiée. Chaque année, dès les premiers jours d’avril, Rana la grenouille quitte ses quartiers d’hiver : une petite datcha enfouie dans les algues au fond de la mare, qu’elle a hérité de sa mère.
Elle est heureuse de retrouver le ciel bleu, le soleil, les jeunes mouches et autres insectes tendres dont elle se régale en un coup de langue électrique. Mais ce printemps-là, quelque chose clochait : Sur une feuille de nénuphar, plus sexy que jamais, ses cuisses musclées moulées dans sa combinaison de cuir chlorophylle, elle ignorait les insectes qui la frôlaient, perdue dans ses pensées. En m’apercevant, elle me rejoignit sur la rive. « Tu tombes à pic Belzé, j’ai besoin de tes conseils ».
J’étais tout ouïe, moi le lézard psy. Elle me raconta ses amours cet hiver dans la mare avec Ketchup, un poisson rouge. Il est très beau, galant, charmant. Il lui apportait de la nourriture, des petits vers roses, tendres comme elle les aime, lui expliquait la vie des poissons, les intrigues des habitants de la mare. La saison a passé très vite. Elle s’est tant amusée que le retour à l’air libre a été difficile. Elle a un manque de lui, de la vie au fond de l’eau, hélas leur amour est impossible, leurs couleurs ne sont pas compatibles, elle ne veut pas vivre toute l’année en apnée. Je lui répondis que les couleurs se mélangent sans problème. Le choix de vie est plus important, lui conseillai de faire un compromis. A ce moment précis, des bulles affluèrent à la surface de l’étang. Une tête de poisson apparut, Ketchup ! s’écria Rana, d’un bond elle le rejoignit dans son monde aquatique. Pas de doute, elle en pinçait pour lui.
Soudain de grosses gouttes de pluie déchirèrent le plan d’eau, un orage terrible s’abattit sur la campagne. Les éclairs, la grêle, des trombes d’eau, dispersèrent toute la gent des marais. Rana ne remonta pas. Je ne l’ai plus revue. Vint l’été, une chaleur caniculaire tarit presque la mare. Les nénuphars flétrirent. En septembre, la pluie tomba sans fin. Le bassin reprit ses contours. Un héron s’installa en maitre. Les amphibiens désertèrent les lieux. En suivant le ruisselet, vestige de la tempête, je découvris un lac où jouaient des enfants qui s’extasiaient devant des têtards rouge et vert. Je fus soulagé et heureux. ! Zuzanna83