177/Essai nº1

PIERRE D'ORAGE
C'est un souvenir qui ne m'a jamais quitté.

Par un après-midi de plein air, alors que nous longions le lac, l'eau s'est soudainement noircie et le ciel, noir aussi, s'est refermé dessus comme un couvercle qui se déchire en zébrures fulgurantes laissant passer des paquets de pluie expédiés par le vent. Il nous semblait que la terre tremblait des fracas de l'orage. Pour nous abriter nous nous réfugiâmes dans un creux de roche : la grotte du magicien. Elle était connue comme telle mais sans savoir pourquoi. Nous nous réfugiâmes au fond juste là où le dôme s'amenuisait. Les moniteurs allumèrent leurs briquets et nous commençâmes à fureter, enfonçant nos doigts dans les trous des rochers. Adèle poussa un petit cri: j'ai trouvé quelque chose ... Dans la roche creusée reposait une bague magnifique qui lançait, près de la flamme, des reflets orange comme les yeux d'un félin. Au fond de ce tiroir naturel, réduit en petits morceaux, on devinait un reste de papier ou de parchemin. Un des surveillants prit l'anneau d'or vert et nous dit : mes enfants vous avez devant vous une splendide opale de feu. C'est une pierre rare qui peut faire ou le bien ou le mal, puis il se dirigea vers la sortie juste au bord du lac et, dirigeant la bague vers le ciel dit : si tu en as un, exerce ton pouvoir. C'est alors que devant nos yeux ébahis le ciel s'ouvrit tout bleu, l'eau redevint claire, la pluie cessa.
Le moniteur était d'une pâleur à faire peur et lorsqu'il ouvrit la main, la bague se dégagea et tomba dans le lac qui maintenant se nomme Lac salé.

Mes certitudes furent sérieusement ébranlées. Je touchais l'incroyable : lequel était magique du mono ou de la pierre ? Ou étions-nous prêts à voir du magique là où ne s'exerçait en fait que le caprice du temps.
🐭 La Souris