211ème :
«l’automne s’écoule avec langueur… l’hiver a déjà la tête près du bonnet...»
L’improbable entretien d’embauche...
D.R.H. au célèbre Institut National des Quatre Saisons, guindé dans son complet Prince de Galles impeccablement taillé, Yves R. consulte distraitement la liste des candidates que lui a remise sa secrétaire.
- Faites entrer la première, s’il vous plaît.
Une jeune femme, vulgairement maquillée, coiffée comme avec un pétard, vêtue d’un jean délavé à trous et d’un t-shirt débraillé, mâchouillant négligemment un chewing-gum, pénètre dans le bureau en traînant péniblement les pieds, et, sans y avoir été invitée, s’affale langoureusement dans le large et confortable fauteuil en cuir souple qui se trouve près de la cheminée de marbre blanc.
- Eh bien, ne vous gênez pas !!!
… Mademoiselle… ?
- Ambre… répond-elle en baillant...
- Mais… votre nom ?
- Ah !… Nove. Nove Ambre.
Yves R. sent qu’il a déjà la tête près du bonnet...
Mais quel culot elle a, celle-là! … surtout, évitons la colère, se dit-il…
- Mademoiselle, savez-vous quel est le profil du poste pour lequel vous candidatez ?
- Non… et j’m’en fiche ! Dès l’instant que j’touche le salaire…
- Vous alors ! L’emploi que nous proposons exige de la tenue ! une correction stricte, parfaite ! Vous ne pouvez y prétendre dans l’état où vous vous présentez aujourd’hui ! Ce n’est pas possible !!
- Bah… on peut toujours s’arranger, non ? Tiens, dit-elle en se levant, j’vous invite à en discuter au bistrot du coin d’la rue. J’offre la tournée ! Et puis, enlevez-moi cette cravate ridicule, vous s’rez plus à l’aise !
Le pauvre homme en reste bouche-bée … Jamais une telle situation ne s’était produite dans cette respectable maison !
Visiblement ensorcelé, aimanté par cette Madame Sans-gêne, il s’exécute et la suit, tout penaud…
Abasourdie la secrétaire les regarde traverser la salle d’attente et quitter les lieux.
Finalement, particulièrement habile et roublarde, Nove Ambre décroche le poste. Inutile de préciser qu’elle ne se fatiguera pas beaucoup ! Elle a même l’audace de faire installer dans son bureau le fauteuil en cuir souple du D.R.H. afin d’y passer le plus clair de son temps à regarder des films, y somnoler le cas échéant, ou se vernir les ongles des pieds… La belle vie, quoi...
Yves R., groggy, n’en revenant toujours pas, rentre chez lui, s’écroule lourdement sur son canapé, enfonce sur son crâne chauve son bonnet de nuit à pompons , qui l’apaisera peut-être et lui permettra de faire un bon somme afin de se remettre de cette incroyable aventure !!!
KD44 ♫