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235 ème proposition: On m’offrit un de ces bonbons rassurants à l’ancienne, de vieux souvenirs ressurgirent…
Les bonbons, c’était tellement bon !

Dans le TGV qui m’emmène à Paris, je m’installe dans un « carré » avec trois autres personnes. Une mère et ses deux enfants. Je me sens un peu frustrée en les voyant sortir tablettes, ordinateur et consoles de jeux énigmatiques.

Ne voulant pas être en reste, j’extirpe ma liseuse, abandonnant à regret mon gros pavé de huit cent pages dans le sac. Personne ne pipe mot, chacun est absorbé par son défit, bercé par les oscillations cadencées du train. Moi-même, je suis sous l’emprise de mon roman. Tout à coup, un froissement de papier sec, m’apostrophe : Apparait sur la desserte centrale un surprenant mélange de bonbons dans un sac de papier cristal, des gâteries d’un autre temps, celui de mon enfance. Chacun pioche dans le sachet. Il y a des petites souris caramel- chocolat, des rouleaux de réglisse avec la minuscule boule rouge ou bleue au milieu, des sucettes aigres qui décapaient la langue, des ronds colorés de poudre piquante, des carambars. On m’encourage à me servir, je saisis avec délicatesse un caramel Lutti, j’en raffolais enfant, je les croyais disparus. Ma mère les achetait au poids au marché du village. Je remercie avec émotion ma voisine pour cette douceur, réminiscence d’une époque lointaine où ma famille et moi, apprécions ces gourmandises et autres sucreries. Certains dimanches matin d’hiver, mon père s’improvisait confiseur, s’entortillait dans le tablier de cuisine bleu à bavette, de ma mère, enfilait des gants en coton blanc, mélangeait sucre, beurre, lait, noisettes etc. dans un chaudron noir en fonte et tournait inlassablement le mélange avec une cuillère en bois pendant un temps très long sur le fourneau chauffé à plein régime. La maison embaumait le caramel. Il aimait que nous soyons là à le regarder, l’encourager. Dès que la pâte était prête à être étalée sur les plaques, nous disparaissions prétextant l’heure de la messe. Ma mère prenait le relais. Elle nous distribuait de la monnaie pour la quête, étonnée de notre régularité impérieuse à suivre la célébration dominicale. Nous partagions la somme en deux. Une moitié pour acheter des bonbons, des « chucs » en patois du nord, comme disait mon frère et l’autre pour l’offrande dans la sébile de l’enfant de chœur. Nous recevions de temps en temps un Franc d’argent de poche, converti aussitôt en confiseries chez Marie, dans sa boutique de friandises, « A la pie Gourmande » qui fleurait bon la vanille exquise et la suave fleur d’oranger, le pain d’épices fruité aux billes de sucre et le chocolat audacieux et festif en décembre.
Le caramel que je mâchouille est horriblement sucré ! Ce n’est plus le goût de mon souvenir ! Je suis déçue ! Est-ce-moi ? ou le caramel ? Récusant tout scrupule, je quémande avec une âme d’enfant « une petite souris caramel- chocolat ». « Hum ! Madame est connaisseuse » cautionne la mère des enfants, en me faisant un clin d’œil. Zuzanna83