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Sujet 206
Incantation au vent qui est tombé !... les moulins ne bougent plus les bras, tout est immobile...

Au dernier solstice d’été, la Terre avait attrapé une drôle de maladie : le vent s’était arrêté sans prévenir, d’un coup. Depuis, les bateaux à voile restaient à l’arrêt au port, les moulins ne bougeaient plus les bras, les drapeaux étaient en berne, les feuilles jaunissantes des arbres ne tombaient plus, tout était immobile…



Pour en comprendre la raison, les scientifiques de tous les pays se réunirent lors d’un colloque international au Cap Horn, territoire très venté en temps normal. Ils partagèrent leurs analyses et leurs hypothèses. Pour certains, la crise n’était que passagère, notre planète faisait une sorte d’allergie aux parasites que nous sommes. Il suffisait de réduire drastiquement nos activités et tout reviendrait dans l’ordre. Pour d’autres, bien plus pessimistes, il était inutile de tenter quoique ce soit car la maladie était incurable, elle allait même progresser et qui sait ce qu’il pourrait advenir. Pour les plus fantaisistes, il fallait trouver une solution pour recréer le vent mais de manière artificielle à l’aide de souffleries géantes, de drones équipée de pales surdimensionnées ou que sais je encore.

Le professeur émérite John Clews, spécialiste en climatologie à l’université d’Oxford, ne partageait aucune des solutions proposées. Outre son intérêt pour la météorologie et le climat en général, il était également passionné depuis de nombreuses années par la culture celtique. Il avait lu tous les ouvrages existants sur les croyances anciennes et avait apporté dans ses bagages un livre dans lequel était relaté le fait qu’au 2e siècle avant JC, des druides bretons avaient le pouvoir d’interagir sur les phénomènes météorologique locaux. Les druides, maîtres spirituels intermédiaires entre les dieux et les hommes n’existaient plus en tant que tels de nos jours. Cependant, il se disait que certaines traditions, certains pouvoirs se transmettaient encore, de génération en génération. Au cours de ses recherches, le professeur Clews avait découvert que le village de Plogoff, situé tout près de la pointe du Raz en France, abritait l’un de ces héritiers. Il n’y avait rien à perdre à explorer cette voie, qu’en pensaient ses collègues ? Il essuya tant de quolibets qu’il quitta le colloque furieux et décida de se rendre sans plus tarder en France pour rencontrer le fameux breton.

L’homme, médecin de profession, était également maire du village. Le contact fut un peu froid au début, tant les deux hommes étaient impressionnés l’un par l’autre. Le professeur alla cependant droit au but car il n’y avait pas de temps à perdre. L’édile avait-il la possibilité de faire naître un souffle d’air, même tout petit? En effet, d’après les recherches du professeur Clews, si une telle chose était possible et que le phénomène se produisait dans un endroit dégagé, normalement soumis aux fortes rafales comme au Cap Horn par exemple, il y avait de petites chances que le processus venteux de la planète se réinitialise par effet papillon.

Le maire de Plogoff connaissait en effet les formules pour appeler le vent ou la pluie bien qu’il n’ait jamais eu le besoin de les utiliser tant la région était gâtée en intempéries auparavant. Mais, l’incantation devait se faire à moins de 10 kms du village et l’effet escompté serait d’un rayon de 10 kms maximum. Qu’à cela ne tienne, pas de Cap Horn mais va pour la pointe du Raz, celle-ci étant tout près, cela pourrait marcher. Les deux hommes se dirigèrent vers la falaise. Arrivés en face du phare de la Vieille, le maire ramassa une plume de cormoran et un caillou gros comme une noix. Il les jeta devant lui en fermant les yeux et récita la formule incantatoire en gallois primitif. Cela dura dix bonnes minutes. Epuisé, il s’assit sur le sol, l’air ailleurs. Le professeur Clews, attendait debout, fébrile. Puis, un petit rien, juste un filet d’air arriva jusqu’à lui en caressant sa joue. Le filet d’air amplifia progressivement à tel point que son chapeau s’envola vers le phare. Hilare, le professeur dansait sur la falaise tandis qu’un vent d’est s’installait franchement. La mer devenait moutonneuse, des vagues s’écrasaient au bas de la falaise dans un bruit qu’on avait presqu’oublié. Son téléphone sonna, c’était son assistant à Oxford qui lui annonçait que le vent avait gagné la côte ouest de l’Angleterre, c’était l’euphorie !

Le lendemain, le vent avait touché l’Amérique puis le surlendemain les côtes australiennes. Les voiliers prenaient la mer, les moulins tournaient, les drapeaux flottaient, la vie reprenait son cour. On ne su jamais pourquoi le vent s’était arrêté mais tout le monde s’accorda à dire que notre planète avait émis un signal fort et qu’on devait l’écouter. De nouvelles lois furent votées pour mieux la préserver. Le professeur Clews écrivit de nombreux articles scientifiques et fut récompensé par un prix Nobel. Le maire de Plogoff reçu la légion d’honneur et fut réélu haut la main aux élections municipales.

Catherine 06