193 -ème proposition. Edgar Allan Poe.
L’été, la nuit, les bruits sont en fête.
La nuit du solstice d’été.
Dans ce village que j’aime, la soirée s’annonce festive. Célébrer le solstice d’été, remiser l’hiver et le printemps parfois maussade, est une griserie essentielle. Tout commence par le grand feu.
Parents et enfants construisent le foyer, avec enthousiasme et ferveur : ramassis des vieux bois d’hiver et élagages d’avril, dans un délicieux tohu-bohu. On rit, on se moque, on s’interpelle dans le crépuscule tardif. Enfin, les flammes orangées crépitent et se hissent à l’assaut du faîte. Les oh et les ah résonnent à travers le fracas des branches qui se consument. On ne se lasse pas du spectacle. Les dernières étincelles s’éteignent en désordre…C’est déjà fini ! On entend les « pof, » des bouchons de bouteille qui sautent ! les agapes sont prêtes.
Une musique retentit, des notes « jazzy » nous appellent. Sur la place du hameau, un orchestre kitsch fait danser le public, la ferveur s’empare de l’auditoire. Chacun participe à sa façon, on frappe dans les mains, sur les chaises, on chante, l’allégresse est générale. Les bruits de la place s’amplifient, se propagent dans les voiles de la nuit. La chaleur accentue les sonorités. Elle les reçoit dans son écrin de velours et les magnifie.
Puis, on rentre à la maison dans l’obscurité, on s’assoie sur le banc, dans le jardin bruissant de respirations invisibles. On hume les parfums de la terre, des arbres, des fleurs endormies têtes inclinées vers l’est dans l’herbe perlée de rosée.
La cloche carillonne la première heure du nouveau jour. Le Grand-duc installé dans le clocher proteste et ulule.
L’espace d’un instant, une brise de terre rafraîchit l’air, fait chuchoter les feuilles neuves des platanes et s’évanouit.
Des tarentes zigzaguent sur les murs de pierre chauds et happent les papillons de nuit étourdis.
Tout est audible dans la sérénité du royaume des ombres. On n’a pas envie de se coucher.
Demain à l’aube, viendront l’explosion des couleurs estivales, et la cacophonie diurne, j’attendrai le soir pour me ressourcer…
Zuzanna83