Assis sur le canapé, un verre de whisky à la main, il se souvint de la lettre déposée dans la poche de son pardessus. Il lui fallait juste se lever, retourner dans le vestibule et la retirer de la poche.
Il se sentait si fatigué que les quelques pas menant vers le porte manteau lui paraissaient insurmontable. Bientôt, il faudrait passer à table, reprendre contenance après les péripéties de la journée. Les enfants galopaient autour de lui comme des poneys sauvages. La vie était pour eux un cirque permanent, sauts cris bagarres et réconciliations.
Il avait cru en rentrant chez lui, se mettre à l’abri dans un terrier aveugle et sourd. La réalité le rattrapait. Que ferait il de la lettre ? La laisser dans la poche comme si elle n’existait pas, mais l’idée dans son esprit ne le quitterait pas. Il pouvait essayer de penser aux mots écrits, à l’odeur du papier à lettre dans l’enveloppe banale. Son odeur délicate de rose qui émanait d’Elle, l’échancrure de son chemisier, son haleine aussi, parfumée. Malgré des échanges très brefs, son sourire retenu et ses grands yeux d’enfant le faisaient fondre.
Il l’avait vu s’approcher de son manteau et y glisser l’enveloppe. Interdit, il n’avait pas bougé ni demandé quoi que ce soit.
Après son verre, il alluma la cheminée, froissa l’enveloppe qui s’enflamma rapidement. Tout compte fait, il n’aimait pas l’odeur de la rose.
Sylviane 83