207e
Devant une friterie, dans une poubelle, un vieux papier raconte sa vie...
Pigiste à Bruges pour le magazine « Le Vif », je séchais sur un article que m’avait commandé le rédac chef sur le thème des secrets de famille. Tout avait déjà été dit et je cherchais un angle différent pour aborder le sujet, en vain.
Il était plus de midi, je décidais de changer d’air et d’aller manger un morceau dehors.
J’attendais mon tour devant la baraque à frites « chez Monique », où j’avais mes habitudes car on y mangeait les meilleures frites du monde. Arrivée au niveau de la grosse poubelle en plastique je jetais un coup d’œil distrait à son contenu. Rien de palpitant si ce n’est cette feuille de papier journal un peu grasse dont je m’amusais à lire les gros titres. Il était question des résultats d’un concours international de frites justement. « International ? » Je trouvais le challenge amusant : qui pouvait bien concourir outre les gens du nord ? Pas chochotte pour deux sous, je pris le papier dans la poubelle pour le lire pendant mon déjeuner.
Une fois installée à table avec ma barquette et ma bière, je dépliais la feuille de journal afin de lire l’article sur ce drôle de concours qui avait eu lieu hier à Bruxelles à l’occasion du « streat fest », le salon de la gastronomie urbaine. Des participants du monde entier avaient tenté leur chance et je fus étonnée de lire que les 2ème et 3ème place avaient été respectivement gagnées par un japonais et un mexicain. J’imaginais des frites servies dans un bento avec des baguettes et une sauce soja ou des tacos aux frites et chili sauce piment… Pourquoi pas ma foi mais j’étais quand même rassurée en lisant que c’était un belge qui avait remporté le concours. Qui d’autre qu’un gars du nord pouvait cuisiner les meilleures frites, non mais ! Et par chance, le gagnant livrait ses astuces pour réussir des frites parfaites :
- Choisir des pommes de terre « bintje », grosses de préférence
- Sans le faire en avance, éplucher et tremper les pommes de terre dans de l’eau froide pendant quelques minutes
- Couper des bâtonnets de 1 cm de côté, les rincer pour enlever l’amidon puis les essuyer individuellement sans les couvrir
- Plonger les bâtonnets en les remuant pendant 6 minutes dans un premier bain de graisse de bœuf non raffinée (blanc de bœuf) à 140-150°
- Egoutter et laisser reposer les frites pendant 30 minutes
- Changer de friteuse pour la 2ème cuisson dans une graisse de bœuf « propre » à 170-180°, le temps nécessaire pour obtenir une belle couleur dorée
- Egoutter, saler immédiatement et servir chaud avec une bonne sauce : mayonnaise, tartare, barbecue, américaine, andalouse, curry ketchup…
Mazette, je ne me doutais pas que la réalisation de bonnes frites pouvait être aussi précise. Tandis que je dégustais mes frites en lisant une recette de frites, Monique, la cuisinière de la baraque à frites était en train de débarrasser les tables. Je la hélais pour lui montrer l’article. Ses frites étaient tellement bonnes, suivait-elle la même recette ? Elle me confirma le choix du type de pomme de terre, la double cuisson etc mais elle avait son propre secret que sa mère, qui elle-même le tenait de sa mère, lui avait transmis et qu’elle se gardait bien de diffuser.
Je découvrais ainsi que dans le monde de la frite, il pouvait y avoir des secrets de famille. Je tenais mon sujet, une fois !
Catherine 06