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C’était au temps de la Couronne, de la Covid 19.
Privés de liberté, les habitants de l’immeuble de la rue de la forêt, ainsi que tous les français s’acclimataient tant bien que mal des restrictions.

Cora qui habitait au rez-de-chaussée, était en télé travail ainsi que la majorité des locataires. Elle avait face à sa fenêtre une vue sur les va- et- vient des occupants. Malgré les masques elle les reconnaissait tous sauf le garçon du premier, un nouveau qu’elle n’avait jamais vu.
Elle aimait son allure sportive, ses cheveux bruns en pétard et son cabas de courses d’un supermarché anglais à l’effigie de la reine d’Angleterre. Une fin d’après- midi, alors que tout le monde devait être chez soi, elle le vit arriver, ployant sous son sac bien rempli. Elle enregistra l’évènement, suivi d’autres rentrées tardives, dans un coin de sa mémoire. Après les apéros au balcon,
les chansons, les musiques, les applaudissements destinés aux soignants, une pause estivale vint à point nommé ragaillardir les cœurs. Enfin on pouvait se rencontrer. Et on organisa une fête de la liberté dans les jardins de l’immeuble. Des masques furent levés, les sourires se dessinèrent, la vie redevenait presque normale. Des liens qui s’étaient tissés malgré les consignes, se fortifièrent. On échangeait les expériences dans un climat de
grande solidarité.
Cora se présenta au « garçon au sac », le séduisit, le captiva avec ses grands yeux verts, établit un tel climat de confiance, que lorsqu’elle lui demanda candide, le secret de ses balades, il succomba mais lui fit promettre de garder le secret. Il aimait la forêt, la nature. Il bravait l’interdit, le couvre- feu pour se ressourcer, marcher après la pluie. Au cours d’une promenade, Il trouva par hasard dans une clairière si touffue qu’il eut du mal à s’en extraire, un trésor, un coin fructueux où foisonnaient des tapis de cèpes. Puisqu’elle disait aimer les champignons, il l’emmena après une rare pluie d’été, se promener dans les chemins verdoyants parmi les arbres odorants, brillants d’humidité et lui fit respirer le pétrichor, cette merveilleuse odeur de la terre après la pluie. Elle fut ébahie devant l’abondance des cèpes. Ils furent heureux jusqu’à ce qu’un samedi tôt le matin,
il se retrouva nez à nez avec son voisin de palier, Chacun avait un panier à la main, ce dernier lui dit : « Salut, Rodolphe, Cora t-a- donné aussi le tuyau. ? Allons-y ensemble, il y en a assez pour tout le monde. »
Son sang ne fit qu’un tour ! Il fit volte- face devant le voisin médusé et ne voulut plus revoir Cora.

Zuzanna83