229e - Chapeau l'artiste. Je n’étais pas revenu dans la maison de mon enfance, depuis au moins dix ans, mais dès que j’ai ouvert la porte, je l’ai vu… il m’attendait là dans le vestibule… fidèle. Que d’émotion ! Le retrouver, intact, il n’avait pas vieilli… et pourtant...
Je lui laisse le soin de vous raconter sa vie mouvementée.
- Ah oui j’ai bien bourlingué. Toujours vissé sur la tête de Marcel le musicien. Il chantait et s’accompagnait à l’accordéon. Fallait l’entendre pousser la chansonnette, un vrai ménestrel ! Il en a fait virevolter des jupons dans les salles de bals, il en a animé des rues, des places de villages ! Au moment de la quête, quelques courbettes, et là j’entrais en action. Il me tenait à bout de bras, me promenait sous les yeux des badauds. A vot’ bon cœur Messieurs dames, par ici la monnaie ! . Il faisait preuve d’un flair incroyable. Quand il devinait que le public n’allait pas se montrer généreux, prêt à partir sans donner son obole, il prenait un air malheureux, roulait des yeux bizarres et faisait semblant d’être aveugle. Quel cabotin ! J’avais honte parfois. Il savait faire vibrer la corde sensible. Comment croyez-vous qu’il ait pu acquérir sa maison au bord de l'eau « La Maison du Gué » ?
A ses côtés, j’ai mené une vie bien remplie, heureuse ; à sa mort, beaucoup moins drôle. Ma carrière s’est terminée à la campagne, au bout d’un manche à balai, au milieu des champs de blé, épouvantail à moineaux, un rôle utilitaire certes. Fallait voir les oiseaux effarouchés contrariés de ne pouvoir grappiller à leur guise, s’éloigner à tire d’aile ! Quelle satisfaction !
CHRIS 83
