Depuis plusieurs mois, Claire, une femme d’une cinquantaine d’années, séjourne dans une clinique psychiatrique après un effondrement nerveux. Elle a perdu Louis, son mari, qui la quitté. Avec lui, toute envie, toute couleur intérieure, se sont évanouies. Ses journées se succèdent, ternes, rythmées par les médicaments et les entretiens où elle ne dit presque rien.
Un matin, alors qu’elle regarde distraitement par la fenêtre de sa chambre, un oiseau se pose sur la rambarde. Un merle noir, vif et curieux. Il siffle quelques notes très claires, presque familières, puis s’envole. Claire sent une étrange vibration dans son oreille gauche, comme si le son avait traversé quelque chose d’obstrué. Un comble pour elle, qui a perdu Louis ou l'ouïe, se dit-elle, dans le premier sourire intérieur qu’elle s’offre depuis longtemps.
Le lendemain, le même oiseau revient. Son sifflement se fait plus complexe — et Claire croit reconnaître une mélodie de son enfance, un air que son père sifflait en réparant des meubles dans le jardin. Elle l’entend distinctement alors qu’elle pensait ne plus rien entendre, de son oreille gauche.
Intriguée, elle commence à guetter le merle. Chaque visite de l’oiseau semble coïncider avec un léger mieux dans sa santé mentale : une nuit moins agitée, sans médoc, une couleur chaude qui la ravive, une envie de parler au voisin de table.
Peu à peu, elle commence à écrire ce que les sifflements lui inspirent, sur de petits bouts de papier : des souvenirs, des images, des bribes de vie qu’elle croyait effacées. Chaque chant de l’oiseau convoque à sa mémoire un moment heureux de sa vie, comme autant de morceau d’un puzzle qui la répare.
Un jour, un jeune interne trouve ces feuillets et les lit avec elle, après avoir obtenu sa permission. Il remarque que la succession des scènes retranscrites, sont comme l’image inverse de ce qui a été évoqué en thérapie. Il félicite Claire d’avoir su retrouver les sensations positives par rapport à cela.
Tant mieux si le chant d’un oiseau vous a aidé dans cette réhabilitation sensorielle. Certains la trouve par la méditation, la danse ou la peinture. Nous sommes très heureux que vous ayez trouvé votre propre biais de guérison.
Claire se porta de mieux en mieux, son traitement n’était plus nécessaire et l’équipe médicale autorisa sa sortie. Plus personne n’entendit d'oiseaux, Les jardiniers affirmèrent qu’il n’y a jamais eu de merle dans le jardin, faute d’avoir des arbres à proximité. Par ailleurs, l’asile est entièrement grillagé, comme la cour d’une prison.
Nicolas - Esterets - 83
