Tout au bout du jardin de la maison je retrouvais, bien des années plus tard, le vieux puits tout vermoulu, celui où combien de fois, lorsque j’étais enfant, j’ai vu mon grand-père y puiser l’eau, remontant péniblement à la manivelle le lourd seau de bois rempli jusqu’à ras-bord.
Je m’approchais du muret circulaire. Le seau était remonté, vide, reposant sur la margelle juste en face de moi, toujours accroché à la vieille corde enroulée sur le gros treuil de chêne.
Me penchant au-dessus du puits je ne vis plus aucun reflet au fond, rien… serait-il tari ?
Je me souvins alors d’une jeune femme intrigante, bien connue dans le village, fille d’un certain Danaos, un riche personnage... elle était sœur de quarante-neuf autres femmes tout aussi intrigantes qu’elle, appelées les Danaïdes.
Le bruit courait que chacune d’elles aurait tué son mari…
Pour les punir, la justice divine les aurait toutes condamnées aux enfers, obligées de verser éternellement des seaux d’eau dans leurs tonneaux percés… rendues définitivement esclaves de cette tâche totalement inutile, absurde, et sans fin… Quel épuisant calvaire !
Cette histoire me fit penser à la manière dont certaines personnes inconscientes vivent : les paniers percés, les boit-sans-soif, etc. tout leur filant entre les doigts !
Si seulement le puits de mon grand-père pouvait se remplir de nouveau... J’en serais tellement heureux !
KD44♫
