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Mon BUT information-communication en poche, ni Jupiter ni le Roi n’était mon cousin ! Depuis le temps que j’attendais ça, ÉCRIRE ! Pas des romans, non, pas des polars, encore moins de la poésie mais sur la VIE. Pas même une spécialité, mettre mon grain de sel un peu partout, un jour la politique, un autre le sport ou les faits divers, être en prise directe avec mon époque. Je me verrais bien chroniqueur pour le quotidien de ma ville !

Clin d’œil du calendrier ou un petit coup de sérendipité, il se trouve que nous sommes l’année du cinquième anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty . Je ne balance pas longtemps pour décider d’en faire le sujet de mon premier article malgré les avis de mon entourage : « tu t’attaques à du lourd », « fais-toi les dents sur quelque chose de plus léger », « fais gaffe, pas le moment d’écrire des choses qui fâchent les uns ou les autres » … Causez causez braves gens ! Je ne suis pas du bois dont on fait les flûtes ! Je vais plutôt vous montrer de quel bois je me chauffe !
L’occasion est trop tentante !
Et me voici devant mon ordinateur… Je voyais les mots se nouer en jolies phases, non, pas forcément « jolies » au sens courant, mais pertinentes, justes, éloquentes et émouvantes. Car c’est évident, il va falloir émouvoir. Et là, premier syndrome de la page blanche ! On dit qu’il n’y a que le premier pas qui coûte, j’apprends que la première phrase est sans doute la plus difficile à trouver, puis à écrire. Me vient l’idée de ma responsabilité : chaque mot est comme une graine qu’on sème dans l’imaginaire des lecteurs ! Je décide d’aller dans un ou deux établissements de la ville interviewer les enseignants, c’est eux qui vont me donner l’élan.
On ne peut pas dire qu’on me reçoit à bras ouverts. Normal. Déjà de l’émotion. Ils veulent savoir le « ton « que je vais donner à mon article : ni neutre, ni partial, ni hostile à qui que ce soit. Du « laïque ». Du « rassembleur ». J’évoque le côté simoniaque et exécratoire du sujet, mais non, il faut du politiquement correct. Ne heurter aucune sensibilité culturelle, cultuelle ou politique.
Et la liberté d’expression dans tout ça ? Celle de la presse surtout ?
Je m’en retourne à mes pénates plus découragé qu’un amoureux éconduit. Ce n’est guère différent dans un autre établissement. Même pire peut-être, on me fait comprendre que les temps sont de plus en plus difficiles, il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’on s’en prenne encore à un professeur. Ou à MOI ! Certes je n’avais pas pensé à cela, juste à la censure qui pouvait venir de la rédaction du journal ou du corps enseignant. La censure va venir des élèves mêmes qui ne supportent plus aucune discipline, aucune contrainte sociétale, fut-elle pour le bien de tous.
Je suis allé prendre conseil auprès du rédacteur en chef. Il m’a confirmé le bien fondé des conseils des enseignants : tenez-vous-en à la cérémonie, à l’émotion. Pas de vagues. Ni même d’allusions subtiles. Juste un « exercice » de journalisme qui puisse montrer que nous ne passons pas l’événement sous silence et que nous « communions » avec les intéressés. C’est-à dire la famille, l’Education Nationale qui est de plus en plus malmenée, de moins en moins sécurisée.
Courage ! Je ne sais plus combien de « premières » pages j’ai écrites pour mon article. J’étais si frustré de ne pas dire les choses comme je les sentais. Comme je croyais devoir les écrire. Finalement, je crois ne pas m’en être trop mal sorti : voyez plutôt :
Aujourd’hui, 16 octobre 2025, tous les établissements de France vont rendre un vibrant hommage à Samuel Paty, assassiné il y a juste cinq ans devant son établissement. Tous les professeurs mesurent chaque jour la difficulté du métier d’enseigner à une époque où communiquer via les réseaux sociaux échappe à tout contrôle. Les adolescents sont comme de jeunes lions à qui le Roi Lion n’a pas appris le code de la jungle, c’est-à-dire les lois du vivre ensemble, ce sur quoi est fondée la société française. Force est de reconnaître la dignité et l’émotion qui ont empreint cet hommage ainsi que l’implication des élèves dont on peut penser qu’ils aimeraient bien vivre sous des cieux plus cléments, plus pacifiques…Suivaient des lieux communs que je ne me serais jamais cru capable d’écrire. Allais-je être un journaliste docile, rentrer dans le rang, moi le trublion de l’école prestigieuse où j’avais étudié ?
Presque mot pour mot le message du Proviseur qui a promis d’être présent et « aidant » pour quiconque parmi les élèves aurait un problème existentiel qui le dépasse et qui soit hors cadre scolaire.
Les parents, tous les parents adhèrent-ils à cet engagement ?
Au risque de paraître mauvais joueur, je suis persuadé qu’il y aurait eu plus d’émotion si j’avais écrit le sujet à ma façon. Dans le monde journalistique, il faut faire ses classes et sans doute dans ce cas précis, contre mauvaise fortune bon cœur.
La mode n’est plus à « J’ACCUSE » et Zola lui-même ne pourrait sans doute pas écrire son sujet tel qu’il le fut en janvier 1898…
Les temps changent.

Ghyslaine