Chaque matin, caché derrière le rideau de la fenêtre de ma chambre, je la guette, je l’observe dans le jardin fleuri de roses où elle jardine, ma sublime voisine. Je suis mû par une envie douloureuse de lui écrire une lettre. Mais qu’écrire à cette beauté sans la froisser ? Je ne suis pas Ronsard.
Une kyrielle de mots choisis s’agitent pourtant dans ma tête, agglutinés, ils chuchotent, me pressent de passer à l’action. Ma tête va exploser.
Enfin, ma main décidée s’est emparée du stylo. Exit l’ordinateur !
Sur la page immaculée d’un beau vélin suranné, les mots impatients, jeunes fous désordonnés calligraphient la feuille, je ne puis les arrêter. Ils valsent, tourbillonnent, chavirent, m’échappent. Je mets de l’ordre. Je convoque la grammaire. Les mots se disciplinent enfin ! s’entrelacent se nouent, tissent des jolis messages. Des verbes parfaits invitent des sujets rares, les adjectifs amoureux, chatoyants attirent des petits mots de liaisons qui tels des bijoux parent les phrases. Certaines sont sibyllines, j’espère que leur mystère sera un sujet de futures conversations entre la Belle et moi. D’autres osent l’érotisme, d’autres encore louent la force de mon amour, ces dernières sont tellement remplies d’émotion que je m’empresse d’y poser un point final afin que mes sentiments soient figés à jamais. J’ai choisi un timbre précieux et j’ai envoyé la lettre par la poste, à l’ancienne !
Ma bien aimée est venue en personne une semaine plus tard m’apporter un gâteau au chocolat.
Aujourd’hui nous vivons ensemble. Je regarde quelquefois par la fenêtre de notre chambre, le jardin déserté où fanent les roses, l’espace d’un instant j’ai eu la nostalgie du temps d’avant.
Zuzanna83
