A l'intersection de deux routes nationales, un resto Routier allongeait sa terrasse à l'ombre d'un marronnier. Le tout précédé d'un feu tricolore et délimité sur le côté par un immense parking pour garer les semi-remorques.
Voilà l'endroit situé où les chauffeurs de retrouvaient prendre le café.
Et maintenant je vais vous raconter l'histoire d'un méchant petit piaf qui, les plumes ébouriffées dès les premières rayons du soleil, fêtait la naissance de ce nouveau jour par un rap cuicuiteur qu'il scandait en sautillant de chaises en guéridons quémandant la moindre miette de pain ou viennoiserie. S'il énervait, et c'est sûr qu'il irritait en virevoltant autour de chaque consommateur, malgré tout il amusait par sa familiarité et son chant rythmé qui humanisait ce bistrot situé sans charme au milieu de deux routes au trafic intense. Il s'était fait une certaine réputation au point que le troquet affichait au dessus de la porte son nouveau logo : Au piaf dégourdi.
Il savait y faire l'animal ! Il commençait sa danse de la séduction en virevoltant l'air de rien autour de l'élu, celui qui prenait son petit déjeuner de préférence, puis sur des piaulements rythmés, sautillant comme sur ressorts, se rapprochait cuicuitant de manière significative qu'il serait bon de partager la pitance. Ce petit manège répété a amusé certes, jusqu'au jour où trop hardi il a bequeté le croissant d'un enfant. Ce fut un drame, les cris du petit, ses larmes jusqu'à ce que, pour le rassurer, on enferme le moineau dans une cage tristement suspendue à l'ombre de la vieille porte du corridor qui menait tout droit à la cabane au fond du jardin. Pendant quelques jours on n'entendit plus que les freins des camions. L'ambiance avait changé, avait perdu de sa légèreté, on riait moins, il manquait le titilleur, ce petit rigolo à l'oeil rond malicieux qui animait ce moment de répit.
C'est Marcel - chauffeur le plus sensible de tous- qui pensa à rendre la liberté au roitelet. Et si on ouvrait la cage à l'oiseau ?
Trop tard, le piaf gisait. La tristesse d'être pendu là et le courant d'air eurent raison du moineau.
Vue d'en haut, derrière les barreaux la vie s'agitait sans lui, à quoi bon lutter?
Et voilà comment pour répondre à un caprice on a privé tous les autres d'une petite joie sans malice... Un petit moment de bonheur partagé.
Attention les amis ne nous laissons pas couper les ailes !
La Souris 04 🐭
