Le meunier s’inquiète de voir toutes les têtes d’épis de blé de son champ, courbées.
Il se penche vers les graminées moroses, observe leurs grains bien bombés et dorés. Ne remarque ni rouille, ni fusariose. Elles se laissent caresser par un vent doux réconfortant qui lui soulève la casquette. Il regarde alentour, tous les champs de blé ont la même attitude : Des têtes de pénitents qui suivent une procession au mois d’aout.
Sur les chemins champêtres, les fleurs sauvages sont droites et sages. Les coquelicots coquets se dressent à la hauteur des herbes folles qui batifolent comme à l’accoutumée.
« Qu’est-il arrivé à mes épis » dit-il tout haut.
Une voix fluette propulsée de la terre répond :
« Nous protestons, contre les pesticides, les moissonneuses dévoreuses qui déciment les champs dans un bruit de ferraille, étouffent la vie collatérale, les insectes, les végétaux »
Interloqué, le meunier demande :
« Qui êtes-vous ? »
« L’esprit de la terre, je représente Le syndicat des graminées ! Nous voulons être cultivées en Bio ! Nous sentir mieux dans notre peau. Rétablir une harmonie entre la terre, les récoltes, les hommes ».
« En bio ? Ça alors ! »
Il partit maugréant, réfléchit en chemin à cet échange avec l’esprit de la terre, et alla discuter avec chaque paysan dont les champs étaient affligés.
La plupart, impressionnés par le discours du meunier qui entend parler la terre fut d’accord pour transformer leurs parcelles en Bio.
Heureux et impatient, il alla annoncer la bonne nouvelle à son champ.
Les épis avaient du mal à y croire. La brise propagea la nouvelle aux terres agricoles du village. Toutes les têtes se redressèrent comme un seul homme.
Une onde bienheureuse fit osciller les épis du champ du meunier dans un chuintement et froissement complaisants.
Le meunier était heureux malgré la tâche difficile qui l’attendait, la transition écologique prendrait deux années avant de pouvoir en vivre.
Il réapprenait à écouter la terre. Elle allait lui apprendre des choses qu’il ignorait encore.
Zuzanna83.
