A l’orée du bois joli, de beaux épis de blé dorés ondulaient sous un vent léger. Le champ en pente, bordé de coquelicots rouges et de fleurs sauvages mauves, voyait sa terre se craqueler jour après jour. En bas, le saule pleurait, plus une goutte d’eau dans le ru.
Le brave paysan et son meunier, compagnons de longue date, constataient le cœur fendu, l’étendue de la sécheresse. Les blés, têtes en berne, faisant triste mine. Dame nature les chagrinait. Ce n’est pas tant qu’ils faisaient la tête mais ils n’en pouvaient plus … Les deux paysans égrainèrent un épi afin d’en connaître la maturité. Une bonne quinzaine de jours ensoleillés manquait mais sans eau … Récolte et qualité s’en ressentiraient …
En amoureux de la terre, ils prirent le chemin de la Passière. Là demeurait la vieille Marthe, chevrière mais surtout un peu sorcière ! Penauds, ils entrèrent dans la pièce de vie au sol de terre battue, à la rencontre de leur dernière chance. D’un ton bourru, ils expliquèrent la raison de leur venue : sauver la récolte. Elle offrait au regard un visage osseux, aux yeux noirs perçants, intimant respect et crainte. … D’un signe de tête, elle les enjoignit à la suivre dans la cabane au fond du jardin. Un grand corbeau vint se poser sur l’épaule osseuse de la vieille, épiant les deux intrus. Sur des étagères branlantes, une foultitude de bocaux emplis de serpents, crapauds, insectes divers, araignées flottaient dans un liquide verdâtre. Dans des corbeilles d’osier, plantes et racines séchaient. Que dire des diverses bouteilles empoussiérées aux contenus peu ragoutants …
Leur remettant une fiole, elle ajouta conseils et recommandations quant à son utilisation. A ne pas boire et en répandre tout le contenu tout en haut du champ.
On ne sut jamais qui de la météo ou de la fiole, fut efficiente, mais une pluie salvatrice jour et nuit, sauva les cultures en redonnant un semblant de cours au ru.
78 C💜thy👩🏻🦯🦮