241/ UN JARDIN PLEIN DE VIE
A l'aube, dans ce jardin d'apparence paisible, encore recouvert d'une modestie blanche de rosée, juchée au bout d'une branche, j'observe un petit monde qui se déplace silencieusement. Les escargots mènent train-train leur convoi aux traces iridescentes.
Lentement mais sûrement la troupe part attaquer le champ de choux. L'air de rien, tout se fera sans bruit, dévastateur comme le ver dans le fruit. Il ne faut pas s'y tromper, ce sont des guerriers calfeutrés dans une carapace couleur de terre pour mieux tromper l'ennemi.
Le long de l'allée, les bosquets de rosiers mis à mal par les pucerons sont défendus par une escouade de coccinelles. C'est joli une coccinelle, ces petites bêtes à bon dieu que l'on croit inoffensives. Sous leur cuirasse rouge à pois noirs, ce sont de redoutables Attila. Pour elles le danger viendra du ciel, des drones ailés, œil vif et bec pointu piailleront leur joie de les dévorer.
C'est un monde fleuri soit, mais sans merci.
Connaissez-vous l'anecdote de la bébête qui monte... qui monte ?... L'histoire du vieux hanneton amoureux d'une cétoine dorée ?
Elle l'attend coquine, perchée aguichante sur le pétale d'une fleur de rosier chichi-pomponnant dans un blanc éclatant. Ça sent le mariage, au moins l'union. Notre hanneton, fou d'amour se lance à l'assaut de la branche retrouver sa belle. Mais s'il ne doute pas de sa virilité, il n'en est pas de même pour son agilité. Un ascencion rude sur la tige lisse, il glisse, se raccroche à une épine. Aïe !.. le rosier se défend et pique. Mais tenaillé par le démon de midi, les testostérones en folie, il va risquer sa vie. Continuer coûte que coûte... Ne dit-on pas ''à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire"? S'il a le sens de l'honneur, il a perdu celui du ridicule et du danger ! Tout à sa conquête il grimpe, monte toujours plus haut, le hanneton ahane, s'essouffle ! Allez... encore une feuille de passée, encore une ...
Brusquement le vent s'est levé si fort que, bousculé sur mon mirador j'en perds l'objectif. Une fois stabilisée je ne vois plus Cétoine, son piédestal blanc disparu aussi arraché par le souffle violent...
Quant à moi, lassée de compter les points je rejoins le convoi familial des chenilles processionnaires qui rampent avant de s'envoler papillons.
🐭La Souris 83