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En sortant de la ruelle, dans le bas du village assoupi, alors qu’on m’attend chez des cousins, je pousse le portillon du verger abandonné.

Devant moi, un fin tapis neigeux volète au ras du sol au moindre souffle d’air. La pluie d’hier soir a nettoyé les arbres de leurs fleurs. Encore toutes réunies, elles forment un ensemble nuageux du plus bel effet.

L’envie de fouler pieds nus cet espace me chatouille, vite retirer mes chaussures et chaussettes, et avancer à pas de chat sur l'étendue blanche est aussi délicieux qu’un saut dans une flaque limpide. Des oiseaux chanteurs m’accueillent, le pré des pommiers est sur son 31 ces derniers jours d’avril. Les arbres noueux, très vieux participent à la magie. Encore quelques pommes pétrifiées sont accrochées comme des boules de Noël, oubliées depuis des mois. Un verger en Normandie, quel cliché, je sens les pommes mûries tombées dans l’herbe, une odeur de sucre macéré, puisque plus personne ne cueille les fruits.
Enfant, j’assistais à la taille des arbres, certains en échelle ou espalier le long du mur. Mon grand-père s’y attelait en fin d’hiver, je protestais croyant qu’il n’y aurait plus aucuns fruits l’été venu. Au fond du verger, dans un creux de pierres humides, cachée par un massif de lilas exubérant, la source chantonne. Un filet d’eau s’échappe vers le ruisseau en contrebas. Imaginer son cheminement de ce coteau boisé à la mer, plus loin que l’horizon, m’inspirait des voyages autrement plus aventureux et poétiques que ceux proposés par les livres.

SYLVIA 🐿 83