231/S'AMUSE DU PRINTEMPS
Je l'ai vue toute ma jeunesse cette nymphe nue comme un asticot qui sortait de la fontaine avec sa harpe. A ses pieds une plaque en ciment la présentait comme étant la muse du printemps. Une sculpture parfaite qui appelait la main sur ses parties rebondies.
Le printemps c'est le moment de l'année où mon grand-père, tout ragaillardi par les premiers rayons du soleil, couvert de son paletot, prenait sa canne et son chapeau pour aller plus loin dans le jardin.
Je le vois encore (et mon père quelques années plus tard) ne pas se priver de caresser l'ondine sortant de l'eau. Il arborait le sourire gourmand du gamin qui va tremper son doigt dans le comptier ! Parfois il levait les yeux et avec regret renonçait à son dessein ! La dame était beaucoup trop haute et pour les atteindre, il eût fallu escalder le muret !
Grand-mère regardait son manège avec un petit sourire ironique.
- Ah tu vas voir ta harpiste !
A propos, tu savais toi qu'ils ont mis L'Octave au violon !
Dit mémé un soir pensant que j'étais couchée.
- Oui il paraît qu'il faisait le mariole en se baignait nu dans la fontaine celle à la statue près de la cathédrale.
Aussitôt les craintes m'envahirent... Pourvu que mon pépé ne tombe pas dedans quand il va voir sa musicienne !
On m'a expliqué qu'en fait le tonton Octave... il était à l'ombre.
De ce jour-là la musique prit pour moi des sonorités différentes.
Alors vous comprenez bien que j'ai poussé des hauts cris le soir où ils m'ont annoncé qu'ils m'avaient inscrite au solfège et au violon ensuite !
-Il n'en est pas question m'écriais-je ! Ce n'est pas parce que je suis jeune...Le violon... et après on vous met à l'ombre ! Alors ça non ! Tant pis pour le musique, j'aime trop le soleil !
🐭La Souris 83