1)228/ UNE BONNE IMPRESSION DEVANT LA PHOTO
C'est en feuilletant un catalogue de voyage que tout à coup son regard fut attiré par une photo.
Ce grand lac au pied d'une montagne neigeuse réveillait chez lui des semblants de déjà vus.
Ça le tourmenta toute la journée.
Il reprit le journal et de nouveau son regard plongea dans cette étendue d'eau presque noire, tant, autour tout était blanc. Et cette maison de bois surprenante au toit pointu avec ses balcons soulignés de rouge qui l'encerclent.Des fleurs qui descendent de pots suspendus au bout d'une chaîne... Rendant idyllique cet endroit magique. Ça, il en est sûr, il l'a déjà vu, même il le connait par cœur et il dirait qu'il ressent ce même bonheur de tranquillité absolu ... Mais où était-ce ? Lui qui n'a pratiquement pas été plus loin qu'une centaine de kilomètres, ce n'est pas un paysage du Poitou, ça non ! il en est certain. Alors comment peut-il se souvenir d'un endroit où il n'est jamais allé ?
Perdu dans ses pensées, il devine presque les chiens qui vont sortir des chemins de montagne, soufflant en tirant le traineau et ce bruit feutré ondule en écho dans sa mémoire. Jusqu'à cet arbre sec comme un vieux balai déplumé planté là et oublié.
Mais où, où a-t-il déjà vu ça ?
Il rangea le journal et les mois passèrent jusqu'au jour où son neveu inscrit aux Beaux-Arts vint lui rendre visite. Ensemble, ils regardèrent ses œuvres de jeunesse, de vieilles planches à l'encre de Chine. Soudain son cœur ne fit qu'un bon, lorsqu' apparurent des montagnes, une vaste étendue neigeuse percée d'un lac avec, dans le fond une pagode qui étend ses balcons comme des doigts tendus vers les pentes parsemées de sapins.
Ah comme il avait rêvé en peignant cette étendue blanche qui s'étendait dans son calme et sa sérénité comme si cela ne pouvait être autrement. Encore maintenant, il ferme les yeux et s'imagine...
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2)228/ MAUVAIS RESSENTI DEVANT LE MÊME TABLEAU
Dans ma jeunesse nous étions obligés de suivre des cours d'art : dessin, musique, danse. Oui, pour les garçons aussi ! J' appréciais beaucoup ces moment d'évasion. La danse était plutôt rythmique, le dessin, j'aurais aimé cela étant un rêveur, mais je me souviens d'un paysage alpestre qui m'avait glacé. Des montagnes si hautes qu'on voyait à peine le ciel, étouffantes elles entouraient une étendue d'eau verdâtre. Au loin on voyait un chalet isolé, du reste il n'y avait rien dans ce tableau, aucun sentiment se dégageait de cette blancheur, qu'un froid paralysant les sens. Et je me demande si ce n'est pas ça justement qui me mettait si mal à l'aise. Alors je l'ai peint ce paysage, à mon idée pour le rendre vivant. J'ai rapproché le chalet, fait descendre des grappes de fleurs orange vif qui se reflètent dans une eau limpide dans laquelle se mirent aussi les moutons qui courent dans le ciel. Des enfants à quatre pattes lancent leurs bateaux à moteur ou à voile et on devine derrière la montagne douce, le mauve des lavandes sauvages qui frissonnent sous un vent tiède. Dans les prés des vaches paissaient tranquillement. J'ai montré mon œuvre à maman, elle a joint les mains et dit d'un air enfantin : comme j'aimerais vivre dans un endroit aussi idyllique que romantique.
L'ai-je rêvé cet endroit magique qui plaisait tant à ma mère.
Figurez-vous que, des années plus tard, en faisant de la randonnée dans le massif des Ecrins, je l'ai vu ce chalet tout seul au bord d'un lac... Et en pensant a maman, comme si je lui faisais un cadeau, je l'ai acheté.
Je crois avoir ressenti ce bonheur de plénitude, la même impression certainement que Frédéric Pagnol quand il a acquis «le château de sa mère» !
🐭La Souris