Trois fois par jour j’attache la laisse au cou de Médor, mon adorable petit bichon tout blanc, et l’emmène en promenade au jardin des tuileries.
Sous les arcades de la rue de Rivoli, ma porte cochère jouxte celle d’une jeune et séduisante femme, qui sort également trois fois par jour sa jolie yorkshire qu’elle a prénommée Mirza.

À l’ombre des arbres du jardin nos deux toutous adorés batifolent en jappant gaiement, ce qui, petit à petit, nous rapproche…
Je me présente :
- Gontran, votre voisin…
- Adélaïde, votre voisine… dit-elle avec un accent germanique prononcé. Je… je suis autrichienne.
- Très honoré, Madame, je suis pour ma part le petit-fils du fondateur du palace juste à côté de chez nous, et en suis l’actuel propriétaire.
Si je peux me permettre, Madame, je trouve amusant que vous habitiez rue de Rivoli… Quelle cuisante défaite de l’armée de votre pays, en 1797, face aux troupes napoléoniennes, au Nord de l’Italie !
- Vous êtes désobligeant, Monsieur !
- Pardonnez-moi !! Je ne veux en aucun cas vous froisser, ni raviver les mauvais souvenirs ! Mais c’est ainsi... nous sommes quand même fiers de nos victoires !
- Oui, Monsieur, vous avez raison. Observons nos deux chiens… Ils jouent joyeusement ensemble, oubliant leurs différences… Ils sont heureux de se rencontrer et de partager ces bons moments trois fois par jour… et nous, nous en profitons aujourd’hui pour échanger quelques mots, faire enfin connaissance, depuis le temps que nous nous croisons ici…
Au fond, qu’importe le passé ! l’Histoire nous le fait revivre, c’est vrai, mais ce n’est que le passé… Nous logeons côte à côte, en face de ce magnifique parc, et, si vous en êtes d’accord, peut-être pourrions-nous nous rapprocher davantage, comme Médor et Mirza ?…
- Oh ! Madame… mais avec grand plaisir !
KD44 ♫