Manon, la laisse dans une main, cherche son chien du regard. Prête pour une longue promenade, elle ajuste son sac à dos, lorsque son téléphone sonne.
Médor, (oui on appelle encore son chien Médor aujourd’hui ! un nom désuet qui revient à la mode) est impatient. Il y a dans l’air un « je ne sais quoi » qui excite le jeune braque allemand.

Dans la brise matinale chargée d’odeurs printanière se mêle une fragrance particulière de cuir neuf qui chatouille son museau. Il la reconnaitrait entre mille, sa truffe palpite, son œil brille, la chienne Colley, rousse et blanche n’est pas loin. La magnifique gardienne du haras voisin, rencontrée dans le pré des chevaux, la semaine dernière, alors qu’il talonnait et poursuivait les juments affolées en aboyant. Sensée les protéger, elle a fait fi de sa déontologie pour le rejoindre dans sa poursuite délirante. Au diable la rigueur devant un beau mâle aussi musclé, on risque tout, même de prendre des coups de sabot, ferrés du jour.
Sa maitresse toujours en grande conversation, Médor la truffe picotée, n’attend plus, prompt et véloce, traverse le pré désert, se précipite chez le voisin. La chienne, la queue en grand balancement frénétique, le rejoint vive et ardente. Ils s’enfuient emportés tous les deux dans une course endiablée, vers les champs, les prés, rejoignent la forêt.
Ils ont disparu trois jours de tous les radars, évaporés !
Le quatrième jour, Manon reçoit un coup de fil du berger, Médor effraie, mordille et disperse ses moutons. Elle récupère le fugitif, sale, griffé par des barbelés, une oreille pendante. La chienne est rentrée seule par un autre chemin, éreintée, harassée, les poils souillés. Les maitres sont soulagés de retrouver leurs chiens prodigues. Ils sont soignés, bichonnés. Les jours suivants, plus d’escapade, peu de frasques, on oublie l’aventure.
Deux mois plus tard, la chienne donne naissance à six chiots adorables, de couleurs différentes, le roux, le chocolat, le bleu gris, blanc tacheté de noir et marron, le roux et blanc, le beige. Il y a un panneau au haras, « chiots croisés braque colley, à donner contre amour et bons soins » Zuzanna83.