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Il est onze heures. J’arrive à l’extrémité de la corniche, à l’endroit indiqué par l’agence immobilière.
Le ciel est assez sombre… nuageux, et un vent froid particulièrement désagréable s’infiltre dans mes vêtements… BRRR !
En contre-bas les vagues viennent agresser sans ménagement les galets gris de la plage avant de se retirer, pour revenir rapidement, insistantes…
L’agent me rejoint, tout sourire, et m’entraîne vers une vieille maison dont l’apparence me surprend.

Sa façade très délabrée n’est guère engageante, et son toit est surchargé de tous les oiseaux de mauvais augure des environs,  qui de surcroît y déposent leurs déjections ! Je suis saisi d’un frisson à la vue de cet affligeant spectacle.
L’employé s’énerve, ne parvenant pas à faire tourner la grosse clef dans la serrure rouillée, et lorsqu’enfin la porte cesse de résister en couinant lamentablement nous pouvons pénétrer dans les lieux. Une toile d’araignée s’empêtre dans mon bonnet, se collant à mes lunettes, c’est une horreur. Une forte odeur de moisissure règne partout, la poussière recouvre le sol, chaque meuble, chaque objet… l’ambiance est absolument sinistre.
L’agence avait pourtant vanté la situation du bien, sa vue unique sur l’océan, aucun vis-à-vis… la tranquillité assurée, en quelque sorte…
Je quittais cette épouvantable visite, dégoûté, mais bien décidé à en savoir davantage !
Je me rendais dans le bourg et questionnais au hasard quelques personnes qui me regardaient avec un petit sourire en coin… « Ah ! Vous êtes allé admirer la bicoque du fada ? C’est ainsi que nous l’appelons… Eh ben, vous n’êtes sûrement pas déçu du voyage ! vous avez au moins pu vous rendre compte du problème ! » « Me rendre compte de quoi ? » « Eh ben… tout c’que vous avez vu, d’vos yeux vu ! Vous pensez sans doute qu’il était dingue, ce type ? Et pourtant… si vous saviez…»
« Si je savais quoi ? » « J’vais vous expliquer… Celui qu’on appelle ici le fada n’est pas du tout dingue. Il n’est autre que notre ancien maire, que nous respectons et aimons beaucoup. S’opposant à toute expansion de l’urbanisme balnéaire, il a imaginé cette stratégie : décourager les touristes d’acheter son antique baraque abandonnée depuis des décennies, ainsi que tous les terrains alentours qui lui appartiennent, afin de les empêcher de construire, construire, et encore construire sur la corniche que nous tenons tant à préserver, et pourrir ainsi notre paisible vie de villageois, en faisant la fête en permanence sur la plage, des barbecues malodorants, bruyants et polluants, créant des boîtes de nuit à ciel ouvert avec de la musique psychédélique jusqu’à l’aube… Alors, en accord avec notre brave ex-maire et l’agence immobilière qui vous a reçu nous avons mis au point ce stratagème afin d’éloigner les possibles acheteurs. Et voyez-vous : ça marche ! »
KD44 ♫