Il y avait dans la classe une « maritoche » qui n’avait pas inventé l’eau chaude.
Bouc émissaire des filles, notre petit clan se vantait de ne pas avoir gardé les cochons ensemble.
Elle avait un certain succès auprès des garçons. Malgré tout, nous envions sa blondeur nordique, et ses jambes qui n’en finissaient pas, une sorte de Françoise Hardy.
Elle avait un appétit d’oiseau, à la cantine les quolibets volaient bas. Elle proposait ses desserts pour s’attirer des amis, ça ne marchait pas trop avec sa sensibilité à fleur de peau, elle pleurait comme une baleine.
Un jour Piotr, un costaud de troisième a fait une fausse route. Nous savions tous qu’il était sur une mauvaise pente. D’abord il a toussé, s’est levé cherchant l’air, le souffle court, le visage cramoisi. Tout le monde riait, on avait d’autres chats à fouetter. Une seule a compris que c’était grave. Maritoche l’a attrapé en se plaçant derrière lui, les bras autour de sa poitrine et l’a sauvé d’un étouffement certain. J’en ai la chair de poule en y repensant.
Plus tard, elle est devenue médecin urgentiste.
( Maritoche : nom donné à une fille qu’on aime moquer)
Sylvia L.