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219ème proposition. Un vieux mensonge a décidé de prendre sa retraite.

La lettre.
L’appel du notaire fut bref, il lui demandait de passer à l’étude.
Croyant qu’il s’agissait du problème de bornage de ses vignes, elle s’y rendit de suite.

Un jeune homme distingué lui remit, une enveloppe en papier kraft.

Elle lui était adressée : Louise Granchamps. Elle lût sur le tampon de réception apposé, une date : 9 avril 1990. Au verso, le nom et l’adresse de son grand père décédé en 1996 à l’âge de cent ans. Elle regarda l’homme de loi, étonnée, le regard interrogatif, - « Nous sommes en l’an 2000 ! »
- Je comprends votre surprise, J’ai trouvé cette lettre dans les dossiers de mon prédécesseur, que vous connaissiez lui dit-il. Je n’ai aucune explication. Personne à part lui ne connaissait les affaires de votre grand père et de votre père. Il n’est plus là pour vous renseigner.
Chamboulée, elle rentra chez elle et s’installa dans son bureau, auparavant celui de son père, et de son grand-père et découvrit la missive. Ce fut un coup de massue ! Elle crut à une blague mais les détails qui restaient à vérifier semblaient authentiques. Dans ce courrier dont elle reconnut la belle écriture aux pleins et déliés de son grand père, il s’accusait d’avoir usurpé l’identité de Luc Granchamps, compagnon de tranchée mort au cours de la bataille des Ardennes. Ils étaient devenus amis, lui, l’ouvrier agricole, tailleur de vignes en alsace et Luc unique héritier du domaine viticole de Granchamps. Après la guerre, ils étaient convenus de travailler ensemble pour remettre le domaine en état jusqu’à cette terrible nuit où Luc perdit la vie. Jean, lui, fut blessé au visage. Il lui fut aisé, dans la débâcle de la bataille, d’échanger les plaques d’identité. Un procès-verbal conclut au décès de Jean Vernert .Il devint Luc Granchamps. Gueule cassée, il eut la chance d’être hospitalisé et opéré à Bordeaux par Suzanne Noêl, la première femme à pratiquer des opérations esthétiques pendant cette guerre. Accueilli en héros en 1920 au domaine par la mère de Luc qui essayait tant bien que mal de ressusciter des vignes laissées à l’abandon. Trop heureuse de retrouver son fils, même balafré, elle n’émit aucun doute sur son identité et une vie nouvelle commença. Il ne s’épargna pas, travailla sans relâche, le domaine prospéra.
Louise se prit la tête entre les mains, elle était en colère : que vais-je faire de cette confession ? Néanmoins, elle se rendit sur la tombe de Jean Vernert, dont la photo défraichie ne lui rappela pas les traits de son grand père et veilla à l’entretenir. Il n’avait plus de famille. Elle appela sa meilleure cuvée 2000 : cuvée Vernert.
Puis, elle jeta la lettre chargée des mensonges du passé dans les grandes flammes de la cheminée ancestrale. Zuzanna83