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C’était un chat européen, au poil roux tigré, aux yeux d’un vert hypnotique couleur de liqueur, appelé Pastis.

Ce chaton, à peine sevré, d’une portée confidentielle de la minette du voisin, devint le centre de l’attraction familiale. Les enfants étaient heureux de jouer avec cette peluche qui passait le plus clair de son temps à somnoler dans un panier à la cuisine. L’hiver fut rude cette année-là, aussi, la chienne Rana, jeune bas-rouge, dormait la nuit dans le couloir adjacent. Le vétérinaire lui ayant retiré sa progéniture accidentelle, elle était inquiète et nerveuse, cherchait les chiots partout. Un matin, un tableau insolite s’offrit à nos yeux ébahis : Pastis, pelotonné contre Rana majestueuse, la tétait. Ils ne se quittèrent pas de l’hiver. Rana sortait, rentrait, toujours attentive, tendre avec la petite boule rousse, qui se prélassait sur son coussin et profitait un maximum de cet amour maternel providentiel qui les comblait tous les deux.

Un jour de printemps, les portes de la cuisine restèrent ouvertes. Dans le jardin, les oiseaux gazouillaient à qui mieux mieux et le soleil vif pénétrait avec des rayons avides dans la pièce. Pastis sortit, curieux de découvrir ce monde nouveau. Tout à coup, j’entendis des aboiements intempestifs, je me précipitais au-dehors, ma fille affolée pointait son doigt vers le haut du vieux pin où Pastis accroché, pétrifié, miaulait d’incompréhension. La chienne l’avait attaqué, elle ne reconnaissait plus en lui, le petit qu’elle avait nourri et choyé ces derniers mois. Les pompiers délivrèrent la pauvre bête avec leur grande échelle. Ce fût la journée la plus mouvementée de sa vie.

Avec le temps, il apprit à éviter Rana, ne s’aventurait à l’extérieur que lorsque celle-ci était au chenil. Il la narguait en passant près du local et la faisait gueuler ; une démonstration de rancune tenace. Ensuite, il chassait les oiseaux. Il m’en apportait un de temps en temps et fier, attendait que je le félicite ! Je le faisais, puis tournais la tête, ne pouvant le regarder avaler le moineau avec toutes ses plumes. Ce côté félin m’a toujours impressionnée, comment une petite gueule aussi mignonne pouvait ingurgiter sa proie avec autant de férocité. Sa vie était une routine paresseuse, des siestes entre le couffin et les lits des filles l’après-midi, puis des sorties soumises à l’absence de Rana. A l’heure du coucher, il se frottait en ronronnant contre les jambes de chacun et rejoignait sa couche et ses rêves de chat.

Zuzanna83